En novembre 1984, The Sisters of Mercy sortent un maxi 12″ composé de trois titres: Walk Away / Poison Door / On the Wire.
Ce disque capture un groupe au bord de la transformation, dans un contexte politique, culturel et musical lui-même en pleine ébullition.
Au cœur du règne de Margaret Thatcher, l’Angleterre est secouée par des réformes néolibérales violentes, des grèves massives, notamment celle des mineurs, et une montée du désespoir social, particulièrement dans les régions industrielles du nord — comme Leeds, d’où viennent The Sisters of Mercy.
Cette atmosphère tendue est le terreau parfait pour la montée d’une contre-culture sombre, gothique, désabusée, entre romantisme morbide et nihilisme.
The Sisters of Mercy sont alors les leaders de la scène gothique britannique, un mouvement né du post-punk et nourri de littérature noire, d’esthétique victorienne et de rock spectral.
En 1984, le groupe évolue : Wayne Hussey (ex-Dead Or Alive) vient de rejoindre la formation, apportant une touche plus mélodique. Andrew Eldritch, figure centrale et obsessionnelle, contrôle toujours la direction artistique avec une main de fer.
Le maxi « Walk Away » précède de quelques mois l’album « First and Last and Always » (1985), et s’inscrit dans une période de fortes tensions créatives.
Il incarne la fracture latente entre les ambitions rock-pop de Wayne Hussey et la vision rigide, industrielle et poétique d’Eldritch.
Produit avec David Allen, Walk Away est un titre accessible. Les guitares de Wayne Hussey y sont limpides, les paroles mystérieuses — certains y voient une pique à Gary Marx, qui a quitté le groupe pour former Ghost Dance avec Anne-Marie Hurst (ex-Skeletal Family).
« And you know it makes me sorry / Walk away, walk away… »
Deux titres figurent en B side: Poison Door et On The Wire
« Poison Door » est un retour aux sources. Le morceau est plus abrasif, dans la veine des premiers EP du groupe. Basse lourde, ambiance pesante, chant hanté : « Poison Door » évoque un univers de solitude et d’aliénation.
Quant à On the Wire, c’est le morceau le plus expérimental des trois. Rythmique martiale, boucle hypnotique, répétitions quasi mécaniques : on sent déjà l’attirance d’Eldritch pour des climats plus industriels. C’est un titre souvent sous-estimé, mais essentiel pour comprendre la direction à venir du groupe.
Quelques mois après ce disque, les tensions exploseront. Wayne Hussey quittera le groupe avec Craig Adams pour fonder The Mission, tandis qu’Andrew Eldritch poursuivra une vision plus radicale avec Floodland (1987).
« Walk Away« , rétrospectivement, est donc le chant du cygne d’un équilibre fragile, un moment suspendu entre deux mondes, entre deux approches de la musique gothique.
Laissez une réponse