A side / B side – XTC – Making Plans for Nigel (1979)

À la fin des années 70, la scène musicale britannique est marquée par l’explosion du punk et de la new wave, une époque où les groupes cherchent à s’émanciper des structures traditionnelles de la musique pop.

XTC, groupe originaire de Swindon, se distingue avec un son mêlant expérimentation et pop. Le groupe sort en 1979 son troisième album Drums and Wires, qui contient le célèbre single « Making Plans for Nigel ».

Cette période est également marquée par un climat socio-économique tendu, notamment avec la montée des tensions industrielles et le rôle prééminent des grandes entreprises, comme British Steel, dans la vie des travailleurs.

XTC est formé en 1972 par Andy Partridge et Colin Moulding. Leur musique débute dans un style post-punk et expérimental, mais c’est avec l’arrivée de Dave Gregory que leur son s’épanouit. Après des débuts underground avec des albums comme « White Music » (1978) et « Go 2 » (1978), le groupe se tourne vers une forme de pop plus structurée tout en conservant un côté novateur et critique, ce qui se manifeste pleinement sur « Drums and Wires ». Ce changement de direction attire l’attention du grand public et de la presse spécialisée.


Écrite par le bassiste Colin Moulding, la chanson aborde la pression de la société sur les jeunes à s’engager dans des trajectoires pré-décidées. Nigel, figure représentative de l’ouvrier britannique moyen, se voit imposer un futur sans qu’il ait son mot à dire.

« If young Nigel says he’s happy, / He must be happy in his work ».

« Making Plans for Nigel » est raconté du point de vue de parents autoritaires discutant de l’avenir de leur fils Nigel. Comme beaucoup d’enfants des années 1970, le jeune Nigel semble avoir toute sa vie décidée par les pouvoirs en place. Selon Colin Moulding, les paroles du morceau ont été inspirées par son père : « Il voulait que je fasse des études universitaires et il a essayé de me persuader de me faire couper les cheveux et de rester à l’école. »


L’enregistrement de l’album Drums and Wires en 1979 est marqué par une ambiance tendue. Les membres du groupe, notamment Andy Partridge, souhaitent expérimenter davantage, mais le producteur Steve Lillywhite réussit à équilibrer les aspirations avant-gardistes du groupe avec des éléments de pop plus… accessibles.

Musicalement, la chanson adopte une approche plus sombre que certains autres morceaux de Drums and Wires. Cette atmosphère industrielle est en grande partie créée par la batterie de Terry Chambers. Apparemment inspiré par Devo et leur reprise de « (I Can’t Get No) Satisfaction » des Rolling Stones.

« Je voulais rendre le beat un peu plus industriel », explique Terry Chambers


Lors de sa sortie, « Making Plans for Nigel » fut largement salué par la critique. Des publications comme Melody Maker et NME ont mis en avant le génie de XTC pour allier mélodie accessible et critique sociale.


« Making Plans for Nigel » atteint la 17ᵉ place des charts britanniques, un excellent résultat pour un groupe encore relativement marginal à l’époque. Le morceau devient un véritable hit et marque le début de la reconnaissance grandissante du groupe dans les années 80.

Les B-sides de « Making Plans for Nigel », à savoir « Bushman President » et « Pulsing Pulsing », sont deux morceaux instrumentaux qui méritent une attention particulière.

Bien qu’ils ne soient pas aussi célèbres que la chanson principale, ils apportent une dimension supplémentaire à l’univers sonore d’XTC, notamment à travers leur aspect expérimental et leur instrumentation non conventionnelle.

La pochette du single est un élément clé du projet. Conçue par Steve Shotter et Cooke Key, elle représente une sorte de jeu de société : « Snakes and Ladders », où chaque case représente une étape de la vie de Nigel. Cela met en lumière le thème de la chanson : un avenir pré-décidé et mécanique, où il est difficile de sortir du cadre imposé.

Les 20 000 premiers pressages du single sont présentés dans une pochette très spéciale qui se déplie en un plateau de jeu de l’oie entièrement jouable, dont le gameplay est adapté aux détails de la vie de Nigel. Ingénieusement, le plateau de jeu a été reproduit deux fois, l’une pour Nigel et l’autre pour ses parents. Les détails du jeu étoffent l’histoire de Nigel : l’achat d’un scooter, les entretiens d’embauche, des vacances en Espagne et ses fiançailles avec « une fille très gentille », à tel point qu’il s’apparente davantage à une nouvelle ou à une série télévisée d’une heure.

Le design visuel, avec ses couleurs vives et ses illustrations graphiques, s’inscrit dans l’esthétique de l’époque, qui mélangeait des éléments de pop art et des influences du punk.

« Making Plans for Nigel » est un morceau qui dépasse largement le cadre de la simple chanson pop des années 70. En combinant une critique sociale acerbe avec une mélodie accrocheuse, XTC réussit à toucher un large public tout en restant fidèle à son esprit expérimental.

Aujourd’hui, « Making Plans for Nigel » demeure un classique.

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