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Morrissey le britannique a décidé de rendre hommage aux chansons nées de l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, California Son est un album de reprises. Ce douzième album solo trouve son essence dans les années 1960 et 1970.
Certains diront que lorsqu’un artiste est en panne d’inspiration, il sort un album de reprises. De toute manière cela fait belle lurette que Morrissey fait ce qu’il veut et dit ce qu’il pense. L’homme aime la controverse.
Adolescent, Morrissey était fan de Sandie Shaw, de Bowie et de Marc Bolan, mais aussi des New York Dolls et des Sparks. Aujourd’hui, Il puise dans le répertoire de Buffy Sainte-Marie, Laura Nyro, Jobriath, Dylan, Tim Hardin, Roy Orbison…
Je ne vais pas vous le cacher, j’ai éprouvé des difficultés à écrire sur cet album. Plusieurs écoutes ont été nécessaires pour apprécier ces covers.
Le titre d’ouverture « Morning Starship » témoigne de son désir de transmettre des messages avec ses choix de chansons. Le chanteur original, Jobriath, fut le premier musicien de rock ouvertement gay. Cette nouvelle version offre une production plus actuelle que l’enregistrement sorti en 1973. Cependant, alors que nous atteignons le sans faute , un « Lalalalala » vient nous agacer sur la fin. Dommage.
Morning Starship
Le titre suivant, Don’t Interrupt the Sorrow de Joni Mitchell confirme que nous sommes bien dans une ambiance 70’s avec son ses vagues de synthé et de saxo. Sous le soleil californien cela peut s’écouter, ici c’est… compliqué. On passe.
Only a Pawn in Their Game est une chanson de Bob Dylan à propos de l’assassinat du militant noir des droits civils, Medgar Evers. Morrissey fait passer un message.Cette version vaut le détour et la voix du Moz est bien plus jolie que celle de Dylan.
Only a Pawn in Their Game
On commence à taper du pied avec la reprise de Suffer The Little Children de Buffy Saint-Marie. Morrissey tient son rang et réussit à donner à cette chanson un certain charme avec ses touches bluesy. Morrissey devient le boogeyman.
Suffer the Little Children
L’une des plus belles interprétations de Morrissey sur cet album intervient avec le morceau Days of Decision de Phil Ochs. Une guitare acoustique, un chant en toute simplicité, Morrissey aurait pu la chanter à capella. Days of decision renvoie au mouvement des droits civiques. 2.56mn de pur bonheur. Une chanson qui aurait pu se retrouver sur Kill Uncle.
Days of Decision
Ensuite, la version qu’il donne du It’s Over de Roy Orbison est appliquée et superbe. Morrissey y a invité la chanteuse américaine LP même si sa voix est presque inaudible.
It’s Over
Il y a aussi des moments de génie. «Wedding Bell Blues» fut un succès en 1965 pour le groupe de soul The 5th Dimension. Ici, le duo de voix qu’il constitue avec Billie Joe Armstrong (Green Day) vaut le détour. Sorti en single, il s’est déjà classé n°1 des charts avec en face B l’une des meilleurs chansons que Boz Boorer ait écrit depuis des lustres.
Wedding Bell Blues
« Loneliness Remembers What Happiness Forgets « , chantée à l’origine par Dionne Warwick, nous replonge dans le kitch. Elle aurait pu figurer au générique d’un film de Gérard Oury et parfait pour l’Eurovision.
« Lady willpower » de Jerry Fuller a été popularisée par Gary Puckett and The Union Gap ! L’ex frontman de The Smiths s’amuse de la frustration sexuelle (suscitée par le refus de la dame de se donner à son amoureux!). En 1968, ce fut un tube, le morceau pourrait l’être encore aujourd’hui.
Lady Willpower
On roucoule sur When You Close Your Eyes de Carly Simon et on passe son chemin…
L’autre grand moment du disque est la version au piano du titre Lenny’s Tune de Tim Hardin (auteur du tube If I Were A Carpenter ). C’est une ode à Lenny Bruce, un auteur-compositeur-interprète folk, décédé des suites d’une overdose de morphine en 1966.
Lenny’s Tune est le morceau le plus bouleversant du disque. Le chanteur est dans sa chambre et parle de la mort et du corps qu’on abandonne à la mère.
« I have lost a friend and I don’t know why. But never again will we get together to die . »
Somptueuse, sombre et funéraire, la reprise de Tim Hardin fait mouche grâce à cette simplicité avec ce mariage voix/piano qu’on n’espérait plus.
Lenny’s Tune
L’album se termine sur une autre pépite: Some Say I Got Devil de Melanie Safka. Un énième pied de nez à ses détracteurs. Morrissey chante : Some say I got devil / some say I got angel / I am just someone in trouble / I don’t think I’m in danger.
Some Say I Got Devil
Finalement, Morrissey s’en sort avec les honneurs. Il a récemment affirmé qu’il n’avait jamais aussi bien chanté. On acquiesce.
California Son est un disque pour les fidèles et les curieux. Tantôt agaçant tantôt merveilleux. Quelques fois proche du K.O., Morrissey se relève et réussit une fois encore à nous émerveiller.
A quand un album, Manchester Son?