Au début des années 80, le Royaume-Uni traverse une période de tensions sociales intenses. Le pays est dirigé par Margaret Thatcher et son gouvernement conservateur mène des réformes économiques radicales. Résultat : la désindustrialisation massive entraîne une montée vertigineuse du chômage, en particulier dans les villes ouvrières du nord et des Midlands. Les jeunes, notamment ceux issus des minorités ethniques, se sentent abandonnés.
En 1981, plusieurs grandes villes anglaises sont secouées par des émeutes raciales : Brixton à Londres, Handsworth à Birmingham, Toxteth à Liverpool… Des affrontements violents avec la police éclatent, alimentés par le chômage, le racisme institutionnel et les brutalités policières. C’est dans ce climat explosif que The Specials sortent un single qui va marquer à jamais l’histoire de la musique britannique.
Formé à Coventry en 1977, The Specials sont les chefs de file du mouvement 2 Tone, qui mêle ska jamaïcain, punk rock et textes engagés. Leur musique est dansante, mais leur discours est sérieux : racisme, chômage, violence urbaine… rien n’est laissé de côté.
Le groupe est multiracial – un choix volontaire – et se positionne clairement contre les divisions ethniques, prônant l’unité par la musique. Parmi les membres emblématiques : Jerry Dammers (claviers et principal compositeur), Terry Hall (chant), Neville Staple (chant/toaster), Lynval Golding (guitare/chant), et Horace Panter (basse).
Sorti en juin 1981, le morceau Ghost Town est un cri du cœur sombre et hypnotique. Avec sa ligne de basse lancinante, ses sons fantomatiques de claviers et ses cuivres menaçants, il décrit une ville déserte, sans espoir ni avenir :
« This town is coming like a ghost town / All the clubs have been closed down »
La chanson évoque à la fois le déclin économique, la violence urbaine et la désillusion de la jeunesse. Ironiquement, à peine deux semaines après sa sortie, les émeutes éclatent dans tout le pays. La chanson devient instantanément prophétique, voire prémonitoire.
Jerry Dammers, qui a composé le morceau, s’est inspiré de ses observations dans les villes anglaises lors des tournées du groupe. Il disait :
« Partout où on allait, on voyait les mêmes choses : des magasins fermés, des gens désœuvrés, des tensions raciales. »
La face B du single, Why?, est chantée par Neville Staple. C’est un brûlot contre le racisme et les violences policières, inspiré de son propre vécu. Avec des paroles directes et une énergie brutale, la chanson dénonce le profilage racial et les agressions subies par les jeunes noirs dans la rue.
« Why did you try to hurt me? / I’m not the enemy »
Encore une fois, The Specials donnent une voix à ceux qu’on n’écoute pas, en mêlant colère et message pacifiste.
Le dernier morceau du single, Friday Night, Saturday Morning, change de ton mais pas de fond. Écrit par Terry Hall, il décrit une sortie typique d’un jeune anglais du samedi soir : boire, danser, traîner dans les rues… mais le tout baigne dans une tristesse existentielle.
« Wish I had lipstick on my shirt / Instead of piss stains on my shoes »
C’est un instantané ironique et désabusé de la vie nocturne, sans glamour ni échappatoire.
Peu de temps après la sortie du single, le groupe se sépare. Terry Hall, Neville Staple et Lynval Golding partent fonder Fun Boy Three, tandis que Jerry Dammers continue de faire vivre l’esprit 2 Tone via son label.
Ce single restera leur chant du cygne, et leur œuvre la plus puissante.
This town, is coming like a ghost town
All the clubs have been closed down
This place, is coming like a ghost town
Bands won’t play no more
too much fighting on the dance floor
Do you remember the good old days before the ghost town?
We danced and sang, and the music played inna de boomtown
This town, is coming like a ghost town
Why must the youth fight against themselves?
Government leaving the youth on the shelf
This place, is coming like a ghost town
No job to be found in this country
Can’t go on no more
The people getting angry
This town, is coming like a ghost town
This town, is coming like a ghost town
This town, is coming like a ghost town
This town, is coming like a ghost town














